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Sa Seigneurie
Un roman de Shaïne Cassim, chez
Flammarion, 2001, dans la collection Tribal.
Simon Lillet est un garçon différent des autres : vocabulaire châtié,
costumes soignés et chemises blanches impeccables avec boutons de manchettes,
politesse exquise, goûts délicats. Dans sa classe, on l'appelle "Bambi",
"Pédale", "Fifille à sa maman". C'est assez dire qu'il
est "spécial".
Arrive Rose, une jeune anglaise, une petite sauvageonne spontanée
et effrontée. Ils se rencontrent d'abord dans la même classe.
Dès l'entrée, elle écope d'un "oh, regardez
! Une naine !" qui a pour effet de la mortifier. Elle prend la
place qui est libre, à côté de Simon dont elle remarque
l'élégance et qu'elle nomme immédiatement Sa Seigneurie.
Puis ils se retrouvent dans le jardin des Lillet qui ont loué leur
deuxième maison à Rose, et à son père.
Rose devient donc un des drames de l'existence de Simon. Liane en est
un autre. C'est par elle que le père de Rose a trouvé cette
maison. Elle est la marraine de Simon et la filleule de sa mère.
Elle vend des tissus dans un boutique londonienne. Elle est anglaise.
Simon lui est très attaché, trop, même.
Au début, Rose n'apprécie pas Simon, qu'elle trouve hautain
et bizarre, pour tout dire. Puis elle s'habitue. Tous deux ne fréquentent
pas beaucoup leurs pairs. Peu à peu, dépassant les préjugés,
ils nouent une histoire d'amour, jusqu'à se conduire de la plus
indécente des manières.
Un roman surprenant. Simon est un jeune homme vraiment
décalé, comme on n'en rencontre plus que très rarement.
Du moins, ceux qu'on rencontrent dans les lycées, seraient plutôt
l'inverse de Simon...
Rose est une fille au caractère trempé, avec une fêlure,
elle aussi. Suite à un accident, sa mère a sombré
dans une maladie mentale qu'elle soigne dans une clinique française.
Pour devenu amoureux de Rose, l'honnête Simon estime devoir se détacher
de Liane. Il s'y prend d'une façon compliquée, qui froisse
Rose. Alors qu'il ne leur a fallu que quelques semaines pour se retrouver
dans le même lit, il faudra une année scolaire pour qu'ils
renouent, après le bac.
Avec beaucoup de sensiblité, l'auteur conte ce premier amour de
deux adolescents. C'est une histoire d'amour moderne, un peu compliquée,
mais franche. Plus qu'un roman cru, c'est un texte direct. La passion
physique et sentimantale des deux jeunes est bien exprimée, en
même temps qu'elle n'est que suggérée. Car un des
charmes de ce roman est sa langue soignée, éloignée
du langage jeune. On a de la retenue, de la délicatesse, on ne
dit donc pas tout, sans précaution ni discrétion. Agréable
!
On notera les références à l'Angleterre, dont la
citation de Richard III de Shakespeare n'est pas la moindre.
Au fil des chapitres, on suit l'évolution des personnages en passant
de la narration de Simon au journal de Rose, ce qui donne à voir
des points de vue différents et une continuité originale
au récit.
Les personnages, étonnants et bien élevés, sont attachants.
L'auteur avoue dans la postface "une préférence pour
les personnages fragiles, les êtres décalés qui souffrent
avec un peu d'élégance, pas mal de discrétion et
beaucoup d'humour". Dont acte...
Un peu roman miroir, un peu roman d'apprentissage, un
petit côté littérature anglaise. Et un joli texte.
Que veut-on de mieux !
Un roman qui devrait plaire beaucoup aux adolescents.
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