Mongo et les sorciers

Un roman de George Chesbro, édité chez Syros en 1999, dans la collection Souris noire.
Traduit de l'américain.

   La petite Kathy Marsten a demandé à son voisin, le détective Mongo, de retrouver un Livre des ténèbres qu'un certain Daniel a volé à ses parents. Dans la nuit, un incendie se déclare chez les Marsten, les parents meurent carbonisés, Mongo a juste le temps de sauver Kathy. Hospitalisée,  elle décline sans raison apparente. Mongo comprend qu'il lui faut absolument retrouver ce livre pour sauver la petite.
Il rencontre d'abord Uranus, une universitaire doublée d'une astrologue et excellente médium. Elle lui explique ce qu'est un Livre de ténèbres, que les Marsten pratiquaient très certainement le démonisme et le satanisme, que Kathy était destinée à être offerte à Bélial, que les Marsten n'ont pas du pouvoir maîtriser le rituel puisqu'ils n'avaient pas le livre où il est minutieusement décrit, que c'est pour cela qu'ils sont morts, que Kathy mourra elle aussi, sauf si Mongo réussit à trouver le sorcier qui acceptera de combattre pour la sauver...
Le temps est compté à Mongo. Au culot, il va trouver un honorable sous-directeur de banque qu'Uranus lui a indiqué et qui est celui qui a volé le Livre des ténèbres. Il va accepter de l'accompagner vers une dimension de l'existence que les chrétiens appellent l'enfer, s'embarquer avec le magicien dans un train de l'horreur qu'il ne pourra maîtriser...

En France, George Chesbro publie habituellement ses romans chez Rivages. Mongo, son héros est un détective original du fait qu'il est nain et parce que "ses enquêtes flirtent avec le fantastique". C'est aussi un personnage courageux et humain.
De fait, son roman est un petit bijou. Mongo n'est pas le genre de type à se prendre au sérieux, dans les premières lignes, on peut même penser avoir affaire à un bon à rien. Pourtant cet ancien acrobate de cirque est aussi universitaire. Très vite, on change d'avis car le bonhomme ne manque pas de panache : il réfléchit vite, il a de la suite dans les idées, il est têtu et courageux.
Le roman est bien construit, avec du suspense, du drame, du sang, de la chaleur humaine, de l'action. La séance de sorcellerie est pleine de réalisme, je dois l'admettre, même si la sorcellerie ne fait pas partie de mon système de valeur. Le dialogue de Mongo avec l'astrologue Uranus, une autre universitaire a la double carrière, vaut bien des réflexions savantes sur la sorcellerie. 
Bref, c'est un excellent roman qui m'a plu au point que, la lecture finie, toute affaire cessante, je rédige cette chronique au lieu d'aller "m'offrir une séance de lobotomie électronique devant la télévision"... 

 
Pour les bons lecteurs dès 11 ans, mais aussi pour tous les autres dès 12 ans.

© Jean Tanguy -- Mars 2001

Le serpent dasn la Tour
suivi de
Schéma brisé

Un livre de George Chesbro, publié chez Syros, en 2004,
dans la collection Rat noir.

 Burt Abele s'est attablé dans un snack, exténué à la fin de sa journée de travail. Il est las du collier, fatigué par cette vie qu'il ne peut changer, fatigué de monter descendre avec son ascenseur. Il se sent prisonnier de la ville, de sa vie.
Mais voici qu'un homme s'installe près de lui avec un panier. Un homme provenant d'un cirque voisin, sans doute. Dans le panier, Burt Abele apprend qu'il y a un cobra d'une espèce extrèmement venimeuse, la moindre égratignure faite par l'un de ses crochets à venin est mortelle. Curieusement, la présence de l'animal dangereux le ragaillardit. Il retrouve la pleine possession de ses moyens. Mais voici qu'une mère perd sa patience vis-à-vis d'un de ses enfants. Un geste trop vif. Le panier tombe. L'homme le relève, ne voit pas le trou qui s'est fait dans un coin du panier. Le cobra s'échappe. Le dresseur prévient : l'agitation excite le serpent qui peut mordre. Avec son veston, il l'hypnotise une fois, le cobra tente de mordre et crache son venin sur le dresseur qui recommence à l'hynoptiser...
Mais il y a trop de monde autour d'eux et Burt, tous ses sens aiguisés par le danger, sait déja comment tout ceci va finir...

Schéma brisé  est l'histoire d'Emily, une jeune enseignante arrivée dans cette école dont certains enfants sont très difficiles. Elle vient de passer deux années dans un hôpital psychiatrique, parce qu'elle ne pouvait pas supporter le mal. Plus précisément, elle ne pouvait tolérer l'idée de pouvoir faire si peu à propos du mal qu'elle voyait. Quand deux adolescents, le frère et la soeur, viennent la voir pour lui demander de changer leurs notes pour qu'ils soient mieux classés, elle n'est pas encore tout à fait remise de ce séjour. Or, les deux jeunes la menacent, si elle refuse, ils la tueront. Emily n'y croit pas. Elle cherche de l'aide auprès de la psychologue, qui lui explique que ces deux jeunes gens sont extrèmement perturbés par ce qu'ils ont vécu (leur père a été tué à coups de hache -sans doute par eux, ils ont vu une lycéenne tomber sous les rues d'un bus -plus précisément, la jeune fille l'y a poussée pendant que son frère faisait le pitre pour détourner l'attention). La jeune psychologue est naïve et les deux jeunes, avec finesse, l'ont manoeuvrée.
Par contre, le médecin qui a écouté Emily pendant ses années de psychothérapie a plus de distance, il analyse froidement la situation et conseille à Emily de leur céder..
Emily modifie la note, obtenant la tranquilité pendant le reste de l'année scolaire. Juste le temps de leur préparer un renversement de situation...

Deux nouvelles de longueurs inégales. L'histoire de Burt Abela est la plus courte, la plus noire aussi, même s'il vivra. Le suspense est total : normalement le cobra devrait mordre un enfant et Abele, impuissant devant le drame, être encore un peu plus dépressif... Mais ce n'est pas comme cela que va le monde selon Chesbro !
La deuxième nouvelle est une version de l'arroseur arrosé, ou du chasseur chassé. Sauf, et c'est tout de même une grosse nuance, que les deux chasseurs incarnent quelque chose du mal absolu, un haut degré de perversité. Ce ne sont pas des chasseurs, mais des tueurs. Ils sont intelligents, ils connaissent la fragilité de leur enseignante et ils touchent son point sensible, sa faille. Sans avoir le moindre respect, ni la moindre bienveillance pour son état. Normalement, la jeune femme est condamnée à être tuée, comme l'ont été le père des deux jeunes et la lycéenne. Mais elle est mieux rétablie qu'elle ne le pense. Elle a une vision aiguisée de la détermination des deux jeunes. Le jour où elle augmente la note, elle connaît déja tous les éléments qui l'obligeront à intervenir pour mettre un terme à leur criminalité. Mais elle a appris à se conduite autrement. Elle se maîtrise, ne se laissant plus atteindre de la même façon par les malheurs du monde. Elle montre qu'elle est capable d'agir avec la même froideur, la même détermination, mais elle se conduit comme une femme de coeur. Ce qui fait toute la différence.

Deux thrillers qui distillent une grosse dose d'angoisse et maintiennent le suspense jusqu'à la dernière phrase.
Pour des lecteurs dès 13-14 ans.

© Jean Tanguy -- 18 avril 2004