Catfish Blues
Le dernier chant de l'Inca
 

 

  Catfish blues

Un roman de Gérard Herzhaft, édité au Seuil, en 1997, dans la collection Fictions.

Catfish bluesNous sommes dans le Mississippi. Il s'appelle Théodore Roosevelt Young, il est jeune et il est noir. Il habite avec sa mère, dans une vieille cabane appartenant au maître, Mr Boss Moore. Son frère, Boyd, a de l'ambition. Théodore, lui, admire son oncle Eddie, un "mauvais nègre" qui débarque chez sa mère quand il a besoin de se refaire une santé. Eddie est un bluesman. Il ne rêve que de chanter le blues, à Memphis si possible. Il fuit de chez lui et s'embarque clandestinement pour la ville, à la poursuite de son rêve. Une rencontre hasardeuse le faire devenir videur de latrines dans un bar où joue le Memphis Jug Band. D'autres rencontres, plus tard, lui font découvrir la vie, des bonimenteurs, un ou deux souteneurs, un faux homme de médecine, le Ku Klux Klan... Mais il réussira à devenir "Catfish", à chanter le blues comme personne d'autre...


Un roman dur, triste, qui dépeint bien cet univers où naît le blues. Un univers de douleur, d'exploitation. Il faut avoir connu la déchéance, la misère, la honte pour bien chanter le blues, pour être compris de ceux qui écoutent le bluesman.
Gérard Herzahft connaît bien ce milieu pour avoir fréquenté tous les lieux où se chante le blues, aux États-Unis. Il est spécialiste du genre.
Catfish blues vous donnera le blues, vraiment. Et si cela ne vous suffit pas, lisez  Un long blues en la mineur, dans la collection Page Blanche, chez Gallimard, qui est encore plus triste. Après ces lectures, on n'écoute plus le blues de la même façon

© 24 juillet, 2000

  Le dernier chant de l'Inca

Un roman de Gérard Herzhaft, édité au Seuil, en 1997, dans la collection Fictions.

L'homme portant un llatu rouge autour de la tête qui fait halte au village d'Ahuaytoumbo, est Huarachi, un vieux troubadour qui sillonne le Pérou depuis plus de cinquante ans. Il a servi plusieurs souverains Incas. Dans sa sacoche de cuir, il emporte une quena sculptée dans le fémur d'un adversaire chanka, un petit tambour fait aussi avec de la peau de chanka, un bola, un poignard de pierre... Un enfant l'admire, Yanawa, et veut devenir son disciple, mais le vieil homme va vers le lac Titicaca, à deux jours de marche, pour y rejoindre les dieux.
Cédant aux demandes du cacique Aramayo, il accepte de chanter une dernière fois la gloire du soleil de l'Inca et de l'Empire. Tous les Indiens du village sont là, jeunes et vieux, en habits de fête. La nourriture est abondante, la chincha coule à flots. Revêtu de ses habits de troubadour préféré de l'Inca, les grelots aux pieds, la quena à la main, il chante, mime et danse don récit. Quand il a fini, les Indiens continuent à s'enivrer sur la place du village.
Le lendemain matin, il part tôt. L'enfant le rattrape et lui raconte. Ayant vu la nuit les torches qui brûlaient, les soldats espagnols menés par Don Fernando et accompagnés du père Benito sont montés au village. Ils ont découvert que ce village soi-disant converti au christianisme continuait à vouer un culte à l'Inca. Ils imaginent des contacts avec le dernier des Incas dans la jungle. Ils croient qu'on leur cache des objets d'or et d'argent, en deviennent fous. Ils ont massacré plusieurs pauvres du village, en punition. Yanawa supplie le vieil homme de revenir et de les sauver. Huarachi, fâché d'être dérangé dans son voyage renvoie Yanawa dans son village obéir aux Espagnols, leur donner les quelques objets d'or que vous cachez. Fais semblant de prier leur Christ et pense à l'Inca. Un condor l'accompagne alors dans sa marche et lui fait penser au petit garçon qu'il a été, à son père qui a si bien su le guider. Il réalise alors qu'il ne peut laisser Yanawa seul.
Il revient alors au village pour tenter de sauver le cacique de la torture et éviter le fouet à Yanawa. Il propose à Don Fernando de le mener, lui ses hommes et leur guide, vers l'or et l'Inca.
La forêt tropicale est territoire Anti, des Indiens redoutables qui n'ont pu être soumis par les Incas. Les Espagnols ne connaissent pas la jungle comme les Indiens, ils progressent avec difficulté. Ils ont peur des Antis, dorment mal la nuit, suent sous leurs armures. Huarachi des conduit sur le chemin empierré qui sillonne tout le territoire de l'ancien Empire Inca. Visiblement, en ne contredisant pas les Espagnols dans leurs décisions, il attend son heure : la défaillance du père Benito bientôt égorgé par les éclaireurs qui désertent, le franchissement du fleuve au cours duquel Don Fernando sauve la vie de Yanawa, la rencontre meurtrière avec les Antis qui les suivent depuis longtemps... Après la traversée du fleuve, le cacique a pu s'échapper. Don Fernando a fait prisonnier le chef des Antis qui les accompagne vers la source d'or. Une dernière ruse de Huarachi et le chef espagnol devient son prisonnier. Les quelques Espagnols survivants deviennent prisonniers des Antis qui leur feront boire cet or pour lequel ils sont prêts à tout, mais de l'or fondu...
Huarachi, Yanawa et Don Fernando parviennent enfin à l'Inca qui habite au nouveau Cuzco. C'est un tout jeune homme converti au catholicisme et coopérant avec les Espagnols. Les habitants de Cuzco rêvent de reconquérir le Pérou, de rebâtir un nouveau Pérou.
Une fois encore, Huarachi chante la magnificence du fils du Soleil à un Inca qui l'a oublié. Il lui dit ne pas croire les Espagnols qui ont arraché tout l'or et tout l'argent du temple [de l'Inca], ont rasé les murs, ont brûlé les prêtres [...] les Espagnols, ces incroyants, ne se précipitent-ils pas encore à la poursuite des filaments d'or, la rosée du soleil, aveuglés par la lumière du Dieu suprême?
Huarachi reste fidèle à ses dieux. Il repart à leur rencontre. Don Fernando tente dans un ultime discussion, de le faire changer d'avis. Le vieil homme lui redit sa certitude que le seul ami des Blancs, c'est l'or. Huarachi se dirige enfin vers le lac, attend la nuit que la Lune se lève pour s'enfoncer dans l'eau glacée, à la rencontre de ses dieux...


Ce roman est construit comme un roman d'aventures, une sorte d'épopée qui utilise la mythologie Inca. Il met en valeur la qualité humaine du vieux troubadour, sa sagesse, sa fidélité inébranlable à ses croyances, son sens élevé de la responsabilité, son intelligence rusée. Les Espagnols apparaissent comme des conquérants brutaux et rustres, méconnaissant tout autant la population que la géographie du territoire. Ils sont aveuglés par l'or, prêts à tout pour s'en emparer et devenir riches. Les Incas ne sont pas toutefois le peuple parfait dont on se complait à vanter la culture et la sagesse élevée. Le jeune Titu Cusi qui a pactisé avec les espagnols et s'est converti au christianisme est la figure d'un peuple divisé entre purs et collaborateurs. Et les Indiens qui s'enivrent sont les signes d'un Empire déclinant comme tant d'autres...
Reste la sagesse du vieux troubadour, sa musique qui, à elle seule est capable de faire revivre la gloire et la grandeur de l'Empire Inca,  et toute la mythologie du soleil dont l'or n'est que la rosée et la lune qui pleure des larmes d'argent.
Un livre passionnant à lire, dépaysant à souhait, avec une narration féconde en rebondissements, peut-être un peu touffu. Mais un livre plutôt triste, un long blues comme les autres romans de G. Herzhaft. Un beau texte capable de faire rêver.
On pourra lire L'Or de Cajamalca de Jakob Wassermann publié à l'Ecole des Loisirs dans la collection Médium. Ce magnifique roman offre une vision différente de la conquête du territoire Inca par les Espagnols, plus grandiose, plus cruelle aussi.

Pour des bons lecteurs de 14-15 ans.

© 24 juillet, 2000