Slum City
Le chasseur lent
Les Guerriers du réel
Les guerriers du réel
Les Ailes noires de la nuit
Green War
Les démons de Mamyvonne
Green War
Green War

Slum City, Le chasseur lent, Les guerriers du réel :
Une série de romans de Jean-Marc LIGNY,
édités chez Hachette, dans la collection Vertige, Science-Fiction, 1996,1997, 1999.

Slum City

Slum City c'est la zone, la banlieue qui vit à l'écart de la Haute réalité, des lieux où règnent la misère et la violence. C'est une sorte de tiers-monde, où plutôt un monde en retard, un monde oublié par les Inners, ceux qui vivent dans le cyberespace de Paris, des nantis passant tout leur temps dans un jeu virtuel grandeur réelle. 
S'affrontent deux bandes, les Zapmen et Lumière foudroyante, dans la finale nationale d'un jeu de rôles. Shade, le chef des Zapmen, est déterminé à gagner. D'ailleurs, Saut d'Orbite a trouvé le trophée, un Bouddha en matière plastique, en fait une IA, une Intelligence Artificielle qui a été programmée dans un monastère bouddhiste et qui s'exprime en sentences, du genre "Soyez, votre lampe, votre île, votre refuge : ne voyez pas de  refuge hors de vous-même". Mais, les quatre joueurs sont leurrés par une fraude de X-Roy, le chef de Lumière foudroyante et se retrouvent au-delà de la barrière plasmatique qui sépare le Paris des nantis de  la banlieue des Outers. Tous, sauf Saut d'Orbite qui n'a pas pu passer la barrière à cause du Bouddha. 
Shade, Miniboute et Ze Cat découvrent Slum City, et laisseraient leurs vies sans l'intervention de Ki, une fille redoutable et redoutée de tous les gangs de la banlieue. Elle les emmène dans une usine désaffectée où vit en paix une petite société autour de Jack, un anarchiste qui piratait MAYA. Là, ils apprennent la fraude du Chef de Lumière foudroyante, la vie en Basse réalité, et même l'affection et l'amour. 
Shade décide de rester avec Ki. Ze Cat et Miniboute retournent dans la ville, règlent quelques comptes avec X-Roy, retrouvent le Bouddha et Saut d'Orbite. 
La vie n'est plus la même pour Ze Cat et Miniboute, ils sont devenus très amis, sont moins tentés par les jeux vidéos. Ils sont devenus des guerriers...

Le Chasseur lent

Ze Cat et Miniboute étaient dans Babylone, un jeu qui se déroule dans la cité virtuelle. Aux confins, ils ont aperçu une cabane ancienne à l'orée d'un bois, un endroit non répertorié, un bug. C'est à cet endroit qu'ils ont disparu. On ne les trouve ni dans la Haute réalité, ni dans la Basse réalité. Kris, la jeune agent de Mensa Sana, une agence de sauvetage des inners perdus dans la Haute réalité, est très étonnée. Comment la mémoire infaillible de MAYA a-t-elle pu oublier complètement leur existence ? Et surtout comment ont-ils pu disparaître "physiquement" ? Elle part à leur recherche.
Saut d'Orbite sait que Ze Cat dispose d'une connexion pirate vers Slum City. Il y contacte les amis de Ze Cat et Miniboute, Jack, Shade et la fascinante et dangereuse Ki. Pour cela, il franchit la barrière, avec son fidèle Bouddha qu'il a emballé dans un tissu holo pour tromper le Contrôle de la barrière, une sorte de douane qui interdit l'exportation de matériel informatique vers Slum City et qui empêche les hordes barbares de la banlieue d'envahir Paris intra-muros.
Avec ses amis, il prend la direction de Marjevols, en Auvergne (sur la route de Saint Jacques de Compostelle !). Jusqu'à ce que le Bouddha leur fasse comprendre qu'ils sont victimes d'un leurre. Ce n'est pas vers Marjevols qu'il faut aller, mais vers les Portes de l'enfer, au-delà des Monts d'Arrée, en Bretagne. C'est là que vit le Chasseur lent, autour de qui se regroupent ceux qui vont entrer en guerre contre Maya... 

Les Guerriers du Réel Shade et les Zapmen sont devenus des terroristes... Ils sévissent à Rennes, mettant en place autour d'inners isolés, des illusions sophistiquées qui "distordent" la Basse Réalité. Ils choisissent des gens trop confiants qu'ils effrayent dans l'espoir qu'ils regarderont la Haute Réalité d'une autre façon. Bien entendu, l'exercice est périlleux, il ne plaît guère aux forces de l'ordre de Mobile Survey qui les pistent. Pendant quelques temps, ils se mettent au vert, dans un village, au bord de la mer.
Pendant ce temps, Kris est chargée de mettre la main sur Ze Cat, dont les empreintes digitales ont été relevées sur appareil made in Tibet , un des appareils qui permettent aux Zapmen de produire leurs illusions. Elles a l'idée d'aller voir les parents des Zapmen. C'est ainsi qu'elles fait des rencontres, en Basse Réalité, qui n'ont plus rien à voir avec ses habitudes de travail. Chez la mère de Ze Cat, où elle fait connaissance avec la mère de Miniboute, elle partage le repas du soir, un vrai repas de famille autour d'une vraie table, avec des assiettes, des verres, des couverts et du rôti au menu...
A l'Usine, la grande Zora met la pagaille et menace de ruiner tout le travail de Jack. L'ordinateur étant en panne, il est dans l'impossibilité de contacter Shade et Ki. Heureusement, les Zapmen s'ennuient de Paris. Ils rentrent tous, avec le Chasseur Lent et interviennent fort à propos.
Petit à petit, tout le monde se met à préférer la Basse Réalité au Cyberspace, même Kris qui va bien finir par aller habiter chez sa grand-mère, en Bretagne, où se trouve déjà le Chasseur Lent. Pour eux, une nouvelle histoire commence...

La Trilogie des Zapmen comprend : Slum CityLe Chasseur lent et les Guerriers du réel. Dans les deux premiers romans de Jean-Marc Ligny, on retrouve le même monde inquiétant, la même atmosphère déglinguée. Un Paris vide de ses habitants et entièrement livré aux jeux vidéos. Les Inners qui vivent dans leurs conapts (appartement connectés au cyberespace), en Haute réalité, n'ayant plus besoin de descendre dans la rue ou d'aller au travail, ne se rencontrant plus, ne s'aimant que virtuellement. La société dans laquelle vivent les Inners est hautement informatisée, mais c'est un monde de nantis égoïstes. Ils n'ont pas conscience qu'au-delà de la barrière vivent les Outers, Ceux qui sont dans la Basse réalité, des exclus, des sauvages non policés qui s'entretuent, un tiers-monde humain aux portes de Paris.
Dans le troisième volume, mais déjà à la fin du Chasseur Lent, ce monde est combattu par les héros du roman, Shade et les Zapmen, Kris, l'agent de Mens Sana qui récupère les inners perdus en Haute Réalité. Tout espoir n'est pas perdu. Le cyberspace contrôlé par NetWatch n'est pas le seul lieu où vivre, ni le seul mode de vie possible. D'ailleurs ceux qui goûtent à la Basse Réalité après avoir été très impliqué dans la Haute Réalité, préfèrent cette vie plus frustre, plus simple, mais tellement plus riche en humanité !
Jean-Marc Ligny décrit, avec un pessimisme qui n'est qu'apparent, un monde hypertechnologisé vivant grâce et par l'informatique, livré à un capitalisme complètement libéral et à des médias dictatoriaux. Pourtant il y a des failles et des gens qui s'y glissent, entrant en contact avec le monde réel, celui des rencontres de voisinage, celui d'un voyage en camion, celui de la vie risquée dans les relations d'affection, celui où le mot "idéal" a encore un sens.
C'est pour tout ça que je crois que le pessimisme de Jean-Marc Ligny est apparent. Il écrit des romans qui, pour sombres qu'ils sont, ouvrent sur un espoir, un retour de la justice, une résurgence de la fraternité qu'on aurait oubliée. Ses romans sont une alerte, pour nous éviter de tomber dans le leurre du tout-informatique, pour que nous sachions raison garder.
On l'aura compris, j'ai aimé lire Slum City et Le Chasseur lent, mais aussi Cyberkiller (et ceux dont je ne parle pas ici, Jihad, notamment) pour leur rythme, leur mystère, leur intrigue et la description apocalyptique du monde que nous construisons peut être. L'univers romanesque de Ligny est foisonnant et animé. Pourvu qu'il ne soit pas prophétique ! Et j'ai aimé Les Guerriers du Réel pour l'espoir qu'il donne, d'un combat toujours possible contre toutes les formes d'oppression, contre toutes les dictatures.
Et puis, avec un brin de chauvinisme, il me plaît que les Portes de l'enfer soient en Bretagne, et que ce soit là que s'organise ce nouveau front de libération...
Pour des lecteurs de 12 et plus.

   Les Ailes noires de la nuit

Un roman publié aux éditions Rageot,  dans la collection Cascade pluriel

Yann est en vacances chez sa grand-mère, dans le Centre Bretagne. Il fait d'étranges rêves où il est question d'un étang semblable à celui de Groac'h Du, et la Dame Sans Visage, d'un regard aux grands yeux jaune lumineux qui le fixe. 
Pendant ce temps, son amie Morgane fait un stage de voile à Bréhec, près de Paimpol. Elle a le pressentiment que Yann est en danger. Elle contacte sa mère et fait le nécessaire pour le rejoindre. Mais c'est déjà trop tard, Yann a disparu. Il est parti sur l'île. Des recherches sont entreprises, Yann est introuvable, même sur l'île.
Richard le père de Morgane, a déjà des soucis avec le chantier de cette route qui doit traverser l'étang. Et voici que le petit ami de sa fille disparaît. Lui-même, s'étant rendu sur le chantier est retrouvé, inconscient, au bord du marécage. Puis c'est Maxime, le chef des travaux de la quatre-voies, qui perd sa voiture dans un endroit auquel aucun chemin ne conduit... Bref, tous ces gens très rationnels, habitués à construire des routes et sûrs de leurs compétences techniciennes sont confrontés aux actes des Créatures de la nuit.
Cela donne des résultats surprenants...


Les Ailes noires de la nuit est un roman qui mélange l'actualité et les légendes, l'écologie et le fantastique. Tracer une quatre-voies dans le Centre-Bretagne permettrait le désenclavement de cette région, mais au prix de quelle perte d'identité ? De quelle modification des paysages ? De quelles disparitions des modes de vie traditionnels ? Édité en 1996, ce roman reflète déjà l'inquiétude contenue dans les suivants, la crainte des gestes non réfléchis. Le mélange écologie et fantastique est intéressant. L'intérêt est soutenu par une écriture dépouillée et des chapitres courts.
Pour des lecteurs de 12-13-14 ans.

     Les Démons de Mamyvonne

Un roman publié aux éditions Nathan, en 1999
 dans la collection Lune noire.
Réédition en 2002 dans la collection Comète. Fantastique.

Les Démons de Mamyvonne D'abord, il y a Mamyvonne, la grand-mère, qui est originaire du Bercy, précisément de la Brenne. Elle connaît et raconte à merveille toutes les légendes berrichonnes. Elle croit dur comme fer que les fleurs attirent les fées. Elle a donc un jardin, qu'elle a entretenu tant qu'elle a pu le faire.
Et il y a Tim, qui habite avec ses parents, dans la banlieue parisienne. Il a été élevé dans cette atmosphère peu rationnelle. Il aime beaucoup se réfugier sous la pergola du jardin de Mamyvonne où il s'entretient avec Petite Soeur, Angelina, Nina. Tim avait trois ans quand il a vu Nina pour la première fois. Il a toujours été le seul à la voir, ce qui lui a valu d'être conduit chez une psychologue, quand ses parents s'étaient aperçus qu'il parlait avec Nina. Seule sa grand-mère n'a jamais mis en doute l'existence de cette soeur invisible.
L'année de son entrée en sixième, il voyait de moins en moins souvent Nina, parce qu'il croyait moins en elle. Et aussi parce qu'il avait rencontré deux filles magnifiques, Aurélie et Tra Din, qui l'avaient remarqué faisant du skate sur l'esplanade. Cette même année, Mamyvonne s'est décidée à quitter la Brenne, pour venir s'installer près de sa famille. Ses parents lui ont trouvé une maison ancienne, plutôt biscornue, qui évoque un de ces petits manoirs gothiques du siècle dernier.  Une maison qui n'a pas été habitée depuis quelques années, plutôt sinistre avec un jardin en friche.
Tim ne va pas souvent chez sa grand-mère, le skate et les deux moufettes occupant tout son temps. Mais aux rencontre de famille, à Noël et en février, il se demande si sa grand-mère n'aurait pas bugué...  C'est la bazar intégral, le désordre total : il y a des trucs bizarres dans le frigo (un livre, un plumeau, un chausson) et la bouteille de lait est dans la pharmacie. Ce n'est pas un bug, c'est un big bug !  Tim explore la maison, et particulièrement la tourelle fréquentée par les corbeaux. Sa conclusion est sans appel,  Mamyvonne va bien, c'est la maison qui va mal. 
Evidemment, c'est quelque chose qu'il ne peut pas dire à des êtres aussi rationnels que ses parents. Pourtant sa grand-mère dépérit, des gnomes l'importunent jour et nuit, sans relâche, deux gnomes qui ont l'apparence d'enfants, un garçon et une fille....
Tim croit sa grand-mère et renoue avec Petite Soeur qui réapparaît dans sa vie. Il finit par en convenir, seule Nina peut l'aider à sauver sa grand-mère. Un sauvetage qui se fera au prix d'une intervention radicale...

 

L'intrigue de ce roman est installée de manière efficace. On a beau ne pas croire aux fées, aux lutins et aux gnomes, estimer que Petite Soeur est le fruit de l'imagination du garçon, on marche dans l'histoire, on se laisse prendre. Une fois qu'on a lu les cent premières pages, on va jusqu'à la fin en se demandant comment l'auteur va s'en tirer... Ou comment Tim va s'y prendre pour mettre fin à la malfaisance tyrannique des gnomes... En partant d'un secret de famille, Jean-Marc Ligny installe une intrigue qui vire au fantastique. Les soubassements sont plausibles, il suffit de lire les psychanalystes pour savoir que la sensibilité d'un enfant peut lui faire connaître quelque chose qu'on lui cache, l'existence d'une soeur disparue, par exemple. Plus tard, quand le récit vire au fantastique, on ne rit pas des dérèglements matériels de la grand-mère, le récit distillant la  dose d'angoisse nécessaire pour titiller la curiosité du lecteur. 
On appréciera au passage de pouvoir enrichir son vocabulaire de quelques expressions typiquement préadolescentes : faut larguer cet arlequin, il est nano, tu tises une moufette ? Tu bugues grave...
Un bon récit fantastique appuyé sur un fonds de légendes, sur la fin de l'enfance, sur un secret de famille.
Pour des lecteurs de 12-13-14 ans.

© Jean TANGUY   septembre 2001 

Green War

Un roman publié aux éditions Intervista, en 2010
 

Green War Ça commence à Feyzin, dans la banlieue sud de Lyon vers 2020. Si la zone est toujours aussi polluée, c’est désormais par les fumées de la dernière usine d’Europe fabriquant des plastiques à partir du pétrole. Le père de Malik Azzedine y travaille comme agent de maintenance dans des conditions difficiles et dangereuses. Une réparation tourne mal, l’usine explose, l’homme est tué.
Dans la banlieue proche, Malik vient de se faire signifier l’expulsion du lycée. Il risque de devoir retourner au bled. La mort de son père fait basculer sa vie. Il veut venger son père, se procure une arme et se glisse dans une manifestation écologique avec pour objectif de tuer le patron propriétaire de l’usine. Heureusement pour lui, Fiora l’arrête à temps et l’introduit dans sa clandestinité. Ses copains militants l’ont effacée de tous les réseaux de surveillance.
Pour Malik, c’est la découverte du monde militant, et aussi, de l’amour. Ils décident de créer les Eco Warriors, un groupe clandestin d’activistes qui mènera des actions nuisibles pour ceux qui abusent des ressources naturelles. Ils reçoivent l’aide inespérée d’un jeune et riche aristocrate. Leur premier objectif sera le patron de l’usine pétrochimique à qui ils extorquent beaucoup d’argent. Après, avec des drones, ils feront sauter une usine d'agrocarburants qui se fournit illégalement en Asie et en Amérique du Sud. Dans le port du Havre, ils coulent un cargo chargé de billes d’okoumé provenant de forêts protégées au Congo et extorquent du directeur des douanes du port, l’argent reçu pour légaliser ce trafic.
Malik et Fiora ont recruté leurs camarades dans leurs milieux de vie respectifs. Ce sont des amateurs qui commettent des gaffes, qui sont parfois naïfs. Peu à peu, les forces de police les localisent. Lors d’une imprudente visite à sa famille, Malik est arrêté. Fiora le fait s’évader pendant son transfert vers une autre détention.
Ce sera leur dernier coup d’éclat...


Le monde de Jean-Marc Ligny est sombre et désespéré. L'État a choisi la surveillance constante et brutale des citoyens, l'arrêt de l’immigration, de faire vivre sous la menace de l’expulsion ceux qui résident encore en France, de délaisser les banlieues. La lutte contre la pollution est remisée aux oubliettes. Les pauvres sont délibérément abandonnés à leur sort.
Des thèmes présents dans d’autres romans de Ligny, on retrouvera la surveillance des communications et la traque informatique, les nano-puces sous la peau et la barrière infra-rouge, l’intelligence artificielle au service des forces de l’ordre, la banlieue abandonnée, le maquillage des accidents relatés comme des suicides, la malhonnêteté qui a pris le pas sur la légalité.
Les descriptions de vie dans la banlieue sentent le vécu. Le langage des jeunes est plus vrai que nature, de même que les personnages. Les scènes de sabotage sont quasi cinématographiques. L’amour est présent, "plus fort que la mort", lit-on à plusieurs reprises, qui motive le militantisme des deux jeunes.
Il ne faut pas attendre de fin heureuse, sauf à considérer que la dernière phrase du livre laisse l’espoir que la vérité sorte un jour de l’ombre.
Selon la 4ème page de couverture, ce roman est "un thriller romantique et implacable". Je l’ai lu comme un sombre roman d’action et d’anticipation, une dénonciation d’une société inconsciente de ce qu’elle vit et fait vivre, une mise en question du terrorisme qui, même s’il elle décrit son efficacité, se conclut sur son inutilité.

C’est un bon roman, accrocheur, pour adolescents  et jeunes adultes.

© Jean TANGUY   20 juillet 2010