Le goût de la mangue
  Sombre trafic

 

 Le goût de la mangue

Un roman de Catherine Missonnier, aux éditions Thierry Magnier, 2001, dans la collection Roman.

Le goût de la mangue   Anna vit à Madagascar. Soit disant une vie de rêve dans un paradis . Car cette jeune bretonne ne s'y sent pas à l'aise. Anna est une élève sérieuse et appliquée, alors que la jeunesse blanche qu'elle est censée fréquenter est plutôt désinvolte et nonchalante. Pendant les périodes scolaires, elle vit en internat à Tananarive, coupée de sa famille qui habite à Tamatave, à quatorze heures de train. Anna rêve d'être remarquée par un garçon, pas un de la bande des glandeurs de Tamatave, mais d'un dieu, d'un garçon de l'aristocratie de la beauté souveraine, d'Arnaud, précisément, qui lui préfère sa trop belle cousine.
Avec les malgaches, les relations en sont pas simples. Anna réalise assez bien que les Blancs comme elle sont les occupants de l'île. Elle essaie de connaître l'histoire, de saisir quelque chose de la mentalité et de la culture malgache. Difficile de comprendre les subtiles différences entre Mérina, les Betsimisaraka, Hova et Andriana. sans y arriver. En classe, tout de même, elle arrive à discuter avec Fanja, laquelle connaît les Bastien, une famille de protestants chez qui elle est accueillie le week-end et Louis Flamand, un ethnologue ami de ses parents. C'est chez les Flamand qu'Anna fera connaissance du frère de Fanja, Léon. Curieuse de connaître l'île, elle trouve en Léon une ressource inépuisable. Par la famille de son père, Léon est un Andriana, une lignée qui détenait une partie du pouvoir, avant que les Français ne s'accaparent le pouvoir dans l'île. Il connaît l'histoire de Madagascar. Devant se rendre dans son village familial, Léon emmène Anna, signe qu'il lui porte beaucoup d'estime. Peu après, il lui avoue son amour et lui envoie une très jolie lettre : mets-moi comme un sceau sur ton coeur....
Mais autour d'eux, on veille. Fanja surtout, qui feint d'être complice d'Anna. Léon et elle n'ont pas pris la mesure de la révolte qui se prépare ni de l'espoir placé en Léon. Fanja offre des sambosses empoisonnées à Anna. Léon est éloigné en Californie "pour ses études".
La révolte des malgaches couve. Les familles françaises commencent à craindre le pire. Les parents d'Anna, prévoyants, la renvoie en France. Fin. Provisoire ?


Ce roman a le goût d'une autobiographie, si je puis me permettre... C'est tout à la fois un texte exquis par sa fraîcheur, son exotisme, cette atmosphère coloniale surannée, et l'histoire émouvante, poignante d'une adolescente qui brave les interdits et se retrouve devant le mur des préjugés, des idéaux supérieurs. La vie à Madagascar dans les années 50 est restituée avec beaucoup de détails et de vraisemblance. Le roman décrit bien la position inconfortable de l'adolescente, qui ne s'intègre pas aux colonialistes blancs sans pouvoir se lier aux malgaches, non de son fait, mais à cause de leur réserve, de leur défenses.
Le résumé que j'ai fait ci-dessus ne rend pas compte de tous les détails de l'histoire, de la vie d'Anna à l'internat, de sa camaraderie avec les autres filles, de son imagination pour écrire la pièce de théâtre annuelle, des ambiances...
Le personnage d'Anna est très sympathique. C'est une adolescente curieuse, imaginative, effrontée, décidée. Romantique, aussi. Léon est un garçon très droit, un jeune homme fidèle aux traditions familiales. Tous deux font passer leur amour devant les préjugés raciaux et coloniaux. Mais que peuvent-ils face à l'histoire de ce pays ?

Un beau livre. Une belle tranche de vie, positive et réaliste.
Pour garçons et filles dès 13-14 ans jusqu'au lycée. 

 © Jean TANGUY   03 septembre 2001  

 

  Sombre trafic

Un roman de Catherine Missonnier, édité chez Rageot en 2004 
dans la collection Heure noire

Sombre traficC'est en cherchant un coin pour  garer son camion et passer la nuit que Boris rencontre Samira,  une fille brune, avec des longs cheveux abondants et bouclés des femmes du Maghreb, une fille ravisante dont il s'éprend aussitôt.  Boris est un jeune artiste de rue qui gagne sa vie à Paris en jouant la comédie. Pendant l'été, il descend en Ardèche -ce jour-là, il est à Ruoms- pour jongler tout en racontant des histoires. Sa petite chienne Poppy fait la quête, dressée sur ses pattes de derrière, le chapeau dans la gueule.  Au hasard des endroits où il s'installe, il peut trouver d'autres groupes d'artistes avec lesquels il collabore. Originaire d'Ukraine, Boris est un enfant adopté par une famille bourgeoise et aisée. Il ne se défait pas de son histoire d'enfant qu'on n'a jamais aimé que par intermittence. Samira s'est laissée envahir, dévaster par Boris, tout en se rétractant dans un silence réservé.  Boris aime sa retenue, tout en espérant qu'elle finira par s'ouvrir à lui. Handicapée par une cheville cassée, elle occupe son temps à rédiger un dossier, enfermée dans le bureau de cette maison qu'on lui a prêté. Elle refuse d'en dire le moindre détail à Boris. Quelque chose la tracasse, Boris devine que cela a à voir avec cette photo où elle pose, superbe,  dans une robbe de soie verte dont le nom est Schérazade et qui l'a fait éclater en sanglots. 
Une nuit qu'il a jonglé tard, et qu'il va lui avouer son amour, il trouve Samira sur le lit, baignant dans son sang. Un type est encore dans la chambre qui réussit à s'enfuir. Samira est grièvement blessée, elle a juste le temps de lui dire : trouve Djibril. Hospitalisée, elle est maintenue dans un sommeil artificiel pour que son corps se répare. Boris rejoint alors une petite troupe d'acrobates, pour ne pas être seul. La nuit, alors qu'il vient de se décider à dormir à la belle étoile, son camion explose. Pas de doute, on lui en veut...

Comme l'Ardèche brûle et que la gendarmerie est très occupée. Boris se lance sur la piste de ses mystérieux ravisseurs. Quel secret chachait si bien Samira ? Qu'est-ce qu'a subi son amie Magali, qui l'a traumatisé au point qu'elle est dans un hôpital psychiatrique ?  Qui est ce type à moto qui le poursuit ? pourquoi Samira, future professeure des écoles, a-t-elle disparu après avoir fait des photos de mode pour un catalogue ? 
Ce qui est certain, c'est que la piste est complexe et que l'affaire est sérieuse...


Excellent roman policier dont l'intrigue ne se laisse deviner qu'un trentaine de pages avant la fin, alors même que l'auteur a semé des indices  depuis  les débuts du roman. Le milieu des artistes de  rue est décrit comme sympathique et chaleureux. Ils vivent une certaine liberté, avec des  moments de succès et des moments de galère, dans des camions qui transportent tous leurs biens : papiers, costumes, matériel. Il existe  une solidarité généreuse pour celui qui est dans le malheur ou la détresse, chacun semblant savoir que son équilibre de vie est fragile.
En enquêtant, Boris nous fait rencontrer le petit monde des théatreux itinérants, mais aussi un gendarme qui a l'instinct de la gravité de la situation, des jeunes femmes qui ont besoin d'argent pour vivre et se font piéger, un fils de famille qui ne se pose pas trop de questions,  une logeuse pleine d'affection pour la jeune femme.
Il y a aussi l'inévitable galerie de personnages peu fréquentables, brutaux, dépourvus de morale dont le seul but dans la vie, est de s'enrichir en profitant des besoins ou de la naïveté des autres.  Ces gens sont pourtant respectables. Comme quoi il ne faut pas se fier à l'apparence...

Du suspense, de l'action, des rebondissements, des personnages attachants, un milieu sympathique. Un affaire grave et glauque, une fin semi-heureuse assez plausible... Que demander de plus ?

Pour des lectrices et lecteurs dès 12-13 ans.
Roman sélectionné pour l'édition 2006-2007 de  "22 V'la les polars", le prix des jeunes lecteurs de romans policiers.

 © Jean TANGUY   29 octobre 2006